Bilans des enseignants du groupe de recherche
Les enseignants proposent leur ressenti de la mise en oeuvre de la classe inversée, des effets positifs mais également des limites
Florence Aulanier du lycée Cassini de Clermont :
Au bout d’une année scolaire de pratique de la pédagogie inversée, mon bilan est positif :
- il est plus facile de différencier son enseignement
- il est plus aisé de capter l’attention d’élèves peu scolaires
- On se rend mieux compte à quel point il faut une conception spiralaire des savoirs pour que leur acquisition se fasse vraiment
Quelques limites cependant :
- des élèves très scolaires, socialisés depuis des années au cours dialogué, peuvent avoir du mal à passer à ce système. Il vaut mieux commencer en première. Ainsi mes premières ont été enthousiastes, certains terms beaucoup moins, d’autant plus que l’approche du bac les angoissait. Copier un cours dicté rassure les élèves, même s’ils ne comprennent pas vraiment. Ils ont le sentiment qu’ils comprendront plus tard, chez eux, ou tout au moins qu’ils apprendront.
C’est le problème des élèves , qui " travaillent beaucoup mais ne comprennent pas", car ils ont trop le réflexe de simplement copier.
- Certains élèves ont regretté de " devoir réfléchir en cours"
- Devant l’enthousiasme des élèves face aux productions dites " tâches finales" ( article de journal, discours, carte mentale ...), je me suis retrouvée avec énormément de copies. Ainsi j’ai ... 14 notes au troisième trimestre, ce qui multiplié par 35 donne ... beaucoup trop de copies. Il faut faire attention à ce biais. Je pense faire davantage de petites évaluations de type Quizizz l’an prochain, et ne pas ramasser systématiquement les 35 copies pour les tâches finales.
Je n’ai pas observé que la PI favorisait les élèves en difficulté et défavorisait les élèves en réussite. Je pense que ce système est plus performant, à condition de rester stricte sur le travail de groupe, afin de ne pas se laisser débordée par le bruit et le faux travail. Il permet beaucoup plus de remédiation que le cours dialogué. Il est également préférable en ce qui concerne la confiance en soi de l’élève.
Il faut cependant que le professeur accepte de ne plus être " au centre de la classe", en abandonnant une pédagogie frontale. En circulant entre les îlots, l’enseignant est plus facilement accessible, en particulier pour les élèves timides, mais il perd un peu de sa superbe. Il ne dirige plus tout ce qui se passe en classe. Il faut soit-même s’habituer à enseigner autrement, en s’adressant rarement à toute la classe à la fois. D’un côté, on " ronronne" moins, de l’autre, on peut regretter de ne plus vraiment pouvoir raconter ses petites anecdotes préférées( cela pousse à se renouveler, ce qui est bien lorsqu’on atteint un âge avancé comme le mien).
Il faut également une plus grande disponibilité intellectuelle : passer en quelques secondes d’une question portant sur la pertinence d’une éventuelle augmentation de la part de la valeur ajoutée à destination des salariés, à une question sur le sens du mot " agrégé" dans " valeurs ajoutées agrégées", par exemple. Cela est aussi le cas en cours dialogué, mais dans une moindre mesure, car les plus timides, tétanisés par la peur des moqueries, posent beaucoup moins de questions devant 34 camarades que devant 3. La classe est beaucoup plus réactive.
Enfin, les réactions des premières au bout d’un an de pédagogie inversée ont été très positives. Une très bonne élève m’a dit " en révisant pour le bac blanc, je me suis aperçue que je connaissais déjà mon cours sans m’en rendre compte !". Un élève beaucoup plus fragile m’a dit " j’aime bien cette méthode car je ne m’ennuie pas en cours et j’ose beaucoup plus demander quand je ne comprends pas".
3 élèves sur 35 ont tout de même dit qu’elles préféraient " copier puis apprendre par coeur".
Afin de ne pas trop dépayser les élèves, je finis toutes les séquences en distribuant une fiche mémo à trous, que nous remplissons ensemble, et qui est le support du Quizizz évaluatif final. Cela les rassure beaucoup d’avoir ainsi un cours qui ressemble à un cours " normal". Certains cependant trouvent que c’est redondant, car " ils savent déjà ce qui y est dit".
Je pense cesser de demander aux élèves de préparer chacun les questions à l’écrit sur un support papier. Ils rempliront chacun un pad collaboratif, que je projetterai en classe. Ainsi je verrai rapidement qui n’a pas fait son travail, comment il est fait, et cela évitera des corrections fastidieuses pour ceux ayant bien travaillé. Comme les activités en classe sont bien plus faciles lorsque les vidéos ont été vues, et qu’un quizizz évaluatif clôturera la séance, l’ambiance devrait être encore plus studieuse. Cela dit, je n’ai pas eu à me plaindre cette année, bien que ma classe ait été globalement (dans toutes les disciplines) assez bavarde.
Le fait de mixer relaxation en début de séquence, puis PI, a créé une relation pédagogique particulièrement fructueuse entre les élèves et moi.
Enfin, outre un mur intelligent grâce à des QR codes, je souhaite équiper mes 35 chaises de balles de tennis afin de limiter le bruit lié à la mise en place des îlots - en attendant des tables et chaises à roulettes !
Cécile Sourice du lycée André Malraux de Montataire :
La pédagogie inversée change à la fois les pratiques pédagogiques du professeur et la manière de travailler des élèves.
Le professeur ne peut pas adopter la même posture avec la péda inversée il doit se laisser surprendre par les interactions des élèves, se mettre en retrait et observer, aider certains et remobiliser certains autres. C’est pour cela que la trame de cours doit être très rigoureuse plan question exercice pour que chaque élève avance à son rythme. Il faut aussi que le professeur prévoit un temps de synthèse collectif pour que les élèves distinguent ce qui est essentiel du moins important. (entourer souligner les passages importants avec les notions à maîtriser).
Le prof doit toujours avoir en stocks d’autres exercices ou d’autres manières de faire car cela ne convient pas à tout le monde ou certains peuvent vite être bloqués ou n’ont tout simplement pas envie. Parfois il est nécessaire de sortir un élève du groupe pour pouvoir faire un véritable travail de remédiation.
Pour les élèves, la pédagogie inversée ne doit pas renverser la structuration du cours. Ils doivent pouvoir bénéficier d’une correction des synthèses, des exercices pour savoir ce que le professeur exige d’eux quant aux évaluations. L’élève doit comprendre que les questions posées sont une mise en matière et que les exercices sont une manière de construire collectivement le cours.
L’élève doit bien comprendre comment se répartit le temps : le temps de travail en groupe, le temps de la synthèse collective et la reprise par le professeur. Pour les élèves, la pédagogie inversée ne doit pas renverser la structuration du cours. Ils doivent pouvoir bénéficier d’une correction des synthèses, des exercices pour savoir ce que le professeur exige d’eux quant aux évaluations. L’élève doit comprendre que les questions posées sont une mise en matière et que les exercices sont une manière de construire collectivement le cours. Avec la pédagogie inversée les élèves sont obligés de se mettre au travail du fait de la pression des élèves ou du professeur qui peut prendre davantage de temps avec certains élèves en grande difficulté.
Lynda Decherf du lycée Lamarck d’Albert
J’avoue être au début réfractaires à faire de la pédagogie inversée. La raison principale : me filmer pour faire les cours. Mais nous ne sommes pas obligés de faire nos vidéos, les collègues de l’académie de Versailles en ont fait des très intéressantes. Pour certains travaux, nous pouvons utiliser d’autres vidéos : des documentaires. J’ai utilisé une vidéo de ç pas sorcier sur les bonbons.
La mise en activité des élèves leur permet de s’approprier les connaissances. En discutant avec les élèves, la tâche finale est indispensable. Celle-ci peut prendre différentes formes et les élèves apprécient. Ils ont réalisés : des synthèses en collaboration, compléter texte à trous, des cartes mentales. Les vidéos de Jonathan sont également intéressantes.
Pour la prochaine année scolaire, je pense continuer. Le lycée se dote de tablettes, la wifi devrait arriver.... la pédagogie inversée renouvelle nos façons de faire cours
François Marcq, du lycée Jean Racine de Montdidier
J’ai souhaité participer au groupe de recherche car je voulais trouver une solution à la difficulté de mettre au travail les élèves en classe. J’avais souvent l’impression qu’à part quelques élèves, la réussite des activités m’incombait.
La classe inversée semblait être une pédagogie attractive avec la réalisation d’activités en autonomie .
La réussite de l’entreprise n’a pas pu se faire que :
- par un désengagement de ma part dans la conduite des activités. Le groupe est maintenant responsable du travail fourni et
- par l’acceptation que chaque groupe travaille à son rythme. Ce n’est plus moi qui donne le tempo des activités.
Ce changement de posture a pris du temps mais a été bénéfique pour la mise au travail des élèves.
J’en suis venu petit à petit à proposer un plan de travail aux élèves en leur fournissant soit en amont soit pendant la séance les ressources nécessaires à sa réalisation.
L’essentiel de mon travail en cours n’est plus de distribuer le savoir mais davantage d’accompagner les élèves qui en ont besoin dans la réussite des activités.
La question que je me suis posé ensuite : ont-ils compris et qu’ont-ils compris ?
Au fil du plan de travail, je leur propose des tests de compréhension qui présentent deux intérêts : me donner des informations sur leur niveau de compréhension et motiver les élèves à travailler.
Cette mise au travail des élèves a permis de mieux les préparer aux devoirs sur table et les résultats ont sensiblement progressé.
J’ai également testé le travail à faire à la maison pour amorcer une séance ou permettre aux élèves de prendre connaissance du cours. J’ai pu constater que davantage d’élèves participaient au lancement du chapitre et semblaient concernés par la question. J’ai mis en place un suivi numérique du travail fait pour favoriser le travail à la maison.
Au final, la modification de mes pratiques pédagogiques a eu des effets positifs. J’ai davantage accompagné les élèves dans leurs progrès que fait de la gestion de classe. Le lien entre ce qui est fait en classe et ce qui est attendu en devoir est plus explicite, les élèves ont vu leurs résultats sensiblement progresser.
Les élèves sont davantage responsables de l’avancement du cours et plus autonomes .
La difficulté la plus grande que j’ai rencontrée est la constitution des groupes. En effet, certains groupes ont eu du mal à fonctionner. L’année prochaine j’habituerai davantage les élèves à changer de groupe selon les besoins.